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Nikolas Keckhut

Orbán et les pleins pouvoirs ou la dictature du populisme

Dernière mise à jour : 28 sept. 2020




Voilà qui est chose faite, après l’inscription de Xi jinPing dans la Constitution chinoise, un nouveau mandat pour Poutine en Russie et maintenant les pleins pouvoirs à Orbán, le premier ministre hongrois. Dans les anciens pays communistes, voila que la dictature fait surface, à l'image d'un monde qui tourne en rond.


Viktor Orbán est né en 1963. Après des études de droit, il fonde en 1988 l’alliance des jeunes démocrates (Fidesz). Appelant à des élections libres et au départ des troupes communistes, il prononce, lors de la cérémonie de “réenterrement” des martyrs de la révolution hongroise de 1956, un discours devant les deux cent cinquante mille personnes réunies sur la place des héros. En 1990, le jeune Orbán est élu député. Commence alors la transition de la démocratie libérale vers le conservatisme. En effet, en 1995, le parti est renommé Fidesz-MPP (Magyar Polgari Part, Parti civique hongrois). En 1998,  il devient premier ministre à seulement 35 ans. Perdant des élections de 2002, il est contraint de laisser son poste pendant 8 ans avant de se faire réélire en 2010. Avec une majorité à la chambre, il parvient à faire élire Pál Schmitt président, donnant à Fidesz les trois plus hautes fonctions de l'État (président de la République, Premier ministre, président de l'Assemblée nationale). À nouveau au pouvoir, il lance une série de mesures considérées comme autoritaires à commencer par la loi de 2010 sur le contrôle des médias ou en 2011 avec le changement de constitution. La nouvelle constitution crée la controverse dans les pays occidentaux, notamment en raison de références aux racines chrétiennes et à « l'histoire millénaire » du pays. La constitution définit également le mariage comme une relation entre un homme et une femme et la protection de la vie de l'enfant dès l'instant où il est conçu, rendant l'avortement difficile. Cela ne l'empêche pas de se faire réélire en 2014 puis en 2018, malgré la loi de 2015 intervenue entre temps et renforçant les pouvoirs de l’armée.


Le 30 mars 2020, en pleine crise du coronavirus, le premier ministre hongrois fait passer une loi lui donnant les pleins pouvoirs. Le gouvernement pourra légiférer par décret, suspendre les élections et déroger à n’importe quelle loi. La question que le monde se pose concerne la durée de ces pouvoirs: «Nous ne savons pas quand finira l’épidémie ; je ne peux donc pas vous donner une date limite», a justifié Orbán dans l’hémicycle. La levée de ces mesures d’exception est en effet constitutionnellement soumise à son bon vouloir: «La Constitution dit clairement que seul le gouvernement a le pouvoir de mettre fin à un état d’urgence» souligne Zoltán Fleck, professeur de droit à l’université Elte de Budapest.

L’opposition s’est bien entendu insurgée sans succès contre cette loi aussi bien du côté du MSZP (parti socialiste): «Monsieur le Premier ministre, c’est le virus ou c’est nous, l’opposition, que vous voulez éliminer ?» a lancé Bertalan Tóth, président du parti, que du côté du Jobbik (droite ultra conservatrice) avec son président Péter Jakab qui tonna: « Il a la majorité des deux tiers mais ça ne lui suffit pas, il veut tout ! Même la Rome antique limitait les mandats des dictateurs à six mois».

La pensée des démocrates hongrois est parfaitement bien résumée par Gábor Eröss, maire adjoint du 8e arrondissement de Budapest (parti écologiste): «Comment faire confiance à Orbán qui abuse systématiquement des pouvoirs qui lui sont confiés”. En effet, il est facile de constater que l'état d’urgence "en raison de la crise migratoire" décrété en 2015, n’a toujours pas été levé et les mesures d’exception, comme les perquisitions policières sans mandat sont toujours en vigueur.


Mais alors pourquoi faire ce putsch constitutionnel? Pour Ferenc Köszeg, ancien dissident et ancien député libéral (SZDSZ, Alliance des démocrates libres), l’objectif est clair: «Après sa percée aux municipales de 2019, l’opposition aurait des chances de remporter les législatives de 2022 si elle mène une bonne campagne. Or, Orbán a peur de les perdre. Il n’y aura plus d’élections en Hongrie».


Toujours est il que si Orbán s’autorise ce bond vers l’autoritarisme dans un pays confiné et une presse déjà muselée, c’est bien que ses prises de position anti-migrants et anti-Bruxelles dans un pays où l’amputation en 1918 de 72 % du territoire et d'un tiers de la population hongroise ne passe toujours pas.


Nikolas Keckhut





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