L'Iran de Reza Shah Pahlevi a lancé dans les années 1950 un programme nucléaire national visant à produire de l'électricité d'origine nucléaire. À l'époque, l'Iran était un allié régional des États-Unis et a d’ailleurs reçu le soutien des Américains pendant la présidence d'Eisenhower. Il a signé un accord de coopération nucléaire-civile dans le cadre du programme "Atom for Peace" et a établi le Centre de recherche nucléaire de Téhéran (CNRT) en 1959. Son plan à long terme est de construire 20 centrales nucléaires capables de produire de l'énergie nucléaire civile et deux usines d'enrichissement d'uranium. L'Iran a signé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1968 puis l’a ratifié en 1970. Cinq ans plus tard, Nixon et Kissinger lui ont attribué des équipements nucléaires, puis Gerald Ford a approfondi l'accord en 1976, rendant ainsi possible la formation de toute la division de l'énergie nucléaire électronique. Dans les années 1970, le Shah est attaché à développer son programme de production d'électricité d'origine nucléaire pour diversifier la production pétrolière dans le contexte de la crise de 1973-1974, sans que Washington ne craigne alors un risque de prolifération.
Dès 1975-1976, l'Iran se tourne vers la France (Framatom et EDF) pour construire deux tranches de deux réacteurs et vers l'Allemagne (Kraftwerk Union AG) pour deux centrales pouvant produire de l'électricité d'origine nucléaire. Toutefois, en raison des difficultés industrielles françaises, l’exécution du contrat signé avec la France déçoit l'Iran.
La révolution iranienne, l'instauration de la République islamique en mars 1979 et enfin la guerre Iran-Irak va placer les Occidentaux aux côtés de l'Irak jusqu'à établir un blocus contre l'Iran et ses exportations de pétrole. Le programme nucléaire iranien semble alors inachevé, surtout que l'Iran d’après 1979 ne se décide pas à modifier la position officielle du pays sur le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Deux décennies plus tard, Mohammad Khatami, président de l’Iran de 1997 à 2005, a toutefois un objectif précis : ouvrir l'Iran à des relations diplomatiques approfondies avec l'Union européenne et des pays d’Asie. Du côté des Etats-Unis, la position est assez nette puisque l’Iran fait partie de « l'Axe du mal » (G.W. Bush) avec notamment l’Afghanistan, et ce, surtout après les événements du 11 septembre 2001.
Alors dans ce contexte, la Communauté internationale, ensemble d'États influents en matière de politique internationale, impose à l'Iran des inspections internationales afin de mettre en place un système de contrôle et d’éventuelles sanctions.
En 2002, des opposants iraniens dénoncent l'activité d'enrichissement d'uranium à Natanz qui serait en contradiction avec les engagements de l'Iran. Le contrôle de l'Iran pèse d'abord à l’Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA), dirigée alors par l'Iranien Mohamed El Baradei dont l’objectif est de faire signer à l'Iran un protocole d'accord pour ouvrir tous les sites nucléaires et d'obtenir une déclaration sur la nature strictement civile du programme nucléaire iranien. Mais l’homme d'État et l’ancien Président iranien M. Khatami refuse de signer ce protocole. Le rapport de l'AIEA de juin 2003 affirme que l'Iran semble bien respecter le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et leur programme serait alors davantage transparent. Cependant, en août 2003, des inspecteurs de l'AIEA découvrent des traces d'uranium enrichi dans la centrale de Natanz, ce qui est une violation des engagements iraniens.
Puis, l’Irak a été envahi par une coalition internationale mise en place par les Etats-Unis qui renverse le régime de Saddam Hussein. Pendant ce temps, une mission nommée UE3 (France, Royaume-Uni et Allemagne) souhaite approfondir le dialogue avec d’autres pays européens pour régler les questions inachevées avec l'AIEA. Cette phase de négociation et d'ouverture au contrôle international domine les relations internationales de l'Iran de 2002, mais pas que. En effet, alors que Pyongyang annonce quasi simultanément la reprise de ses programmes nucléaires et sa sortie du TNP, le rapport de l’AIEA de juin 2003 dénonce des programmes iraniens non déclarés avec, en prospective, la transmission du dossier au Conseil de Sécurité. Aucune stabilité régionale n’est possible sans le concours de l’Iran et réciproquement, l’Iran est un pays qui a besoin de stabilité extérieure pour progresser économiquement. Mais tout conduit à penser qu’ils veulent effectivement acquérir l’arme nucléaire si le Pakistan et Israël y renoncent. En bref, la cause de l’ère nucléaire est très populaire.
Ces tensions en Iran sont ressenties au moins jusqu'à l'été 2005 et ce n’est qu’en novembre 2003 que le pays accepte de mettre fin à l'enrichissement d’uranium. En réalité, c’est un peu plus compliqué. En juin 2005, en ne se représentant pas aux élections présidentielles, le président Khatami cède la place au maire conservateur de Téhéran Mahmoud Ahmadinejad. Cette élection marque un tournant qui durcit la position de l'Iran puisque la politique extérieure devient anti-israélienne et anti-américaine. Le nouveau président décide alors de relancer en août 2005 la conversion d'uranium dans une usine d'Ispahan à des « fins pacifiques ». Il rejette la déclaration européenne proposant que le pays rappelle qu'il ne cherche pas à se doter d'armes nucléaires. La porte aux négociations quant à la question du nucléaire est fermée et Ahmadinejad, durant toutes ses présidences -dont une qu’il a volée-, souhaite passer outre le contrôle international. Cette question politiquement symbolique dénonce fermement la conception de l’ordre international alors établi et permet d’affirmer la puissance régionale de l’Iran.
Ahmadinejad met fin en février 2006 à la coopération de l
'Iran avec l’AIEA. Cette dernière affirme ensuite, le 31 août 2006, que Téhéran n'a pas cessé ses activités d'enrichissement d'uranium, malgré des délais imposés et des sanctions prévues. L'AIEA transfère finalement le dossier nucléaire iranien au conseil de sécurité de l'ONU. Réunis à Vienne, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ainsi que l’Allemagne parviennent à un accord déjà implicitement entamé : rappels et sanctions. Le 31 juillet 2006, une résolution du Conseil de sécurité demande « une coopération complète avec l'AIEA » et rend « obligatoire la suspension des activités sensibles », mais un mois plus tard, le rapport remis aux Nations Unies précise que le programme nucléaire iranien n’est toujours pas en conformité avec cette résolution.
C'est un grand moment ; à compter de cette année 2006, l'ONU renforce sans cesse ses sanctions par plusieurs résolutions. Le 23 décembre 2006, la résolution 1737 interdit la « vente de tout matériel et technologie pouvant servir aux domaines nucléaire et balistique » et Téhéran dispose de soixante jours pour arrêter tout programme nucléaire, d’où la deuxième résolution 1747 du 24 mars 2007 pour stopper toute collaboration avec l’AIEA que l’Iran qualifie d’ailleurs d’illégale. Et alors que l’Iran affirme détenir trois mille centrifugeuses en activité, les Etats-Unis maintiennent les sanctions contre le pays.
En 2008, alors que G.W. Bush laisse la place à Barack Obama, l'une des priorités des États-Unis devient d’établir un dialogue avec la Russie et la Chine en vue de régler la question nucléaire iranienne, surtout que l’AIEA ne tarde pas à affirmer que Téhéran pourrait travailler à la mise au point secrète d'une tête nucléaire. Obama prend alors la décision de durcir les sanctions internationales. L'Iran a du mal à exporter son gaz et son pétrole et surtout, les sanctions américaines interdisent tout commerce et toute transaction avec l'Iran. En 2012, l’Union Européenne annonce son intention d'interdire l'importation de pétrole brut et de produits pétroliers iraniens. L’Iran, entêtée, tient bon et résiste à la réunion des 5 membres du conseil et de l'Allemagne les 18 et 19 janvier 2012. Finalement, le 1er juillet 2012, c’est un embargo pétrolier complet sur le pétrole iranien qui entre en vigueur.
Le 24 septembre 2013, devant l'assemblée générale des Nations Unies, le nouveau Président d’Iran Hassan Rohani est diamétralement opposé à son prédécesseur : « Les armes nucléaires et autres armes de destruction massives n'ont pas leur place dans la doctrine de sécurité et de défense de l'Iran et contredisent nos convictions religieuses et éthiques fondamentales. ». Le mois qui suit, un accord est convenu entre les six puissances mondiales sur la question du nucléaire iranien qui demande à Téhéran de limiter ses activités nucléaires en échange de sanctions moins lourdes. Ce à quoi l’Iran répond positivement puisque le pays renonce dès janvier 2014 à une partie de son stock d'uranium. Les négociateurs de l’Iran, des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie conviennent le 2 avril 2015 d’un accord-cadre, dans la mesure où les parties prévoient la conclusion de contrats ultérieurs selon certaines modalités, sur les capacités nucléaires de l’Iran qui prévoit une baisse de 98% de ses stocks d'uranium faiblement enrichi.
Le 14 juillet 2015, le Joint Comprehensive Plan Of Action (JCPOA) est conclu. Ce plan global vise à réduire le nombre de centrifugeuses des deux tiers. L'accord signé à Vienne par l’Iran, le Conseil de sécurité, l’Allemagne et l’Union Européenne contrôle ainsi le programme nucléaire iranien et fait lever les sanctions économiques que le pays touchaient. Mais l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis change brutalement la donne. À l'inverse de son prédécesseur Barack Obama, qui avait tout fait pour signer un accord avec l'Iran, le nouveau président affiche son intention de s'en retirer unilatéralement. Dès le début de sa présidence, il décrit cet accord comme « l'un des pires que les États-Unis aient jamais signés ». Le 16 janvier 2020, à la suite de l'assassinat du général Soleimani en Irak commandité par Donald Trump, le président iranien Rohani a annoncé que l'Iran enrichissait à nouveau son uranium. Récemment, le 16 avril 2021, l’Iran a annoncé avoir commencé à produire de l’uranium enrichi à 60% en isotope 235. En effet, le Président de l’organisation iranienne de l’énergie atomique Ali Akbar Salehi a annoncé : « nous obtenions neuf grammes par heure » de cet uranium. Une agence de presse a annoncé ensuite que cette production permet une utilisation militaire puisque le pays se rapproche du seuil des 90%. Alors que de nombreux pays sont inquiets, notamment au regard des discussions en cours à Vienne, le président iranien a jugé ces inquiétudes sans fondement, en ajoutant une énième fois que « nos activités nucléaires sont pacifiques, nous ne cherchons pas à obtenir la bombe atomique ».
Asena Poyrazer
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