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  • Nathan Ray

Haïti, l’île où les zombies existent vraiment

Dernière mise à jour : 28 sept. 2020



La plupart d’entre nous, pour ne pas dire tous, connaissent la « culture zombie » qui a atteint les côtes Européennes par l’influence Hollywoodienne. En effet, il serait aisé de nommer des succès cinématographiques mondiaux mettant en scène des zombies tel que World War Z, ou encore des tubes musicaux historiques comme Thriller de M. Jackson. On pouvait alors y voir la star déguisée en zombie, terrifiant les rues de sa ville. D’autres domaines culturels se sont aussi emparés de cette fiction. La littérature, aborde le sujet pour la première fois en 1697 dans un livre intitulé Le Zombi du Grand Pérou rédigé par Pierre-Corneille Blessebois. 

Comme certains l’auront remarqué, lorsque l’on mentionne de telles œuvres, on parle de fiction pour les décrire. Des questions surgissent alors : pourquoi faire un article intitulé de la sorte, s’agit-il là d’une duperie ou d’une étude sociologique et économique sur ce sujet ? Loin de là, toutes ces œuvres représentent en effet des fictions, mais comme toute fiction, elles sont inspirées d’éléments réels ayant guidés une partie de notre histoire. L’ambition de cet article n’est pas de décortiquer ces affabulations imaginaires mais bien de démêler la véritable histoire de ces contes d’horreurs. Mais alors, quelle est cette réalité ? Que sont réellement les zombies ? D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Comment et pourquoi deviennent-ils zombis ? La représentation culturelle Occidentale est-elle juste ? 


Pour parvenir à comprendre ce phénomène et les éléments qui l’entourent, une introduction succincte à la culture vaudou est certainement nécessaire. Le risque serait sinon de se retrouver ensevelis sous une sépulture d’incompréhension. Le Vaudou est une religion née dans le Dahomey, un ancien royaume situé en Afrique de l’Ouest. Cette religion et culture provient des cultes animistes Africains. Elle est généralement associée à des croyances obscures telles que les malédictions, les poupées vaudou, les potions… c’est une religion encore répandue au Bénin et au Togo. Alors pourquoi parler d’Haïti dans cet article ? Durant le XVIIème siècle la colonisation pris le pas sur l’Afrique et le commerce triangulaire engendrant l’histoire inhumaine et ignoble de l’esclavage de masse débuta. C’est alors que les Occidentaux vinrent en Afrique pour y capturer ou y acheter des esclaves noirs afin de les déporter dans les Caraïbes notamment. C’est à ce moment précis que le Vaudou s’est répandu dans le sud de l’Amérique et en Haïti. Le vaudouisme est une croyance qui entoure particulièrement la mort et les rites qui y sont liés. Les deux Iwa (équivalent d’esprits) de la mort sont le Baron Samedi et sa femme, Dame Brigitte. Le Baron est souvent représenté affublé d’un costume de soirée, d’un chapeau haut de forme, de lunettes dont un verre est cassé et de coton dans le nez (rappelant certainement le travail esclavagiste dans les champs de coton). Sa femme est quant à elle représentée comme un poulet noir buvant du jus de piment. 


Après cette courte parenthèse, revenons au point névralgique de cet article : les Zombis 


Tout d’abord, le terme Zombie employé couramment, provient de « Zombi » qui trouve ses racines dans la culture et la croyance vaudou. Dans la culture créole, le terme de zombi renvoie à un revenant ou à un esprit.

 

L’île la plus concernée par ces cas de zombifications est l’île d’Hispaniola où se trouve la république d’Haïti, au nord des Caraïbes et juste au sud de Cuba. Elle fut le centre de cette mystification, de ces histoires à dormir debout ou à mourir vivant. Le médecin légiste et anthropologue Philippe Charlier s’est penché de plus près sur ces questions pour démêler le vrai du faux. Ce sont sur ses travaux et recherches que nous nous baserons pour tenter d’appréhender ce mythe mystérieux totalement étranger à la culture Occidentale. Pour ce qui est du récit et des expériences de zombis parfois décrites dans cet article, nous nous en remettons aux témoignages de certains d’entre eux, tel que Clairvius Narcisse, ayant survécu et recouvré assez d’esprit pour pouvoir témoigner.  


Donner une origine historique et une date bien précise à l’apparition de ce phénomène serait impossible. En effet, étant apparu en même temps que les croyances vaudou, il est impossible de dater leur origine exacte. 


Le processus de zombification, sur lequel nous reviendrons précisément plus tard, consiste à droguer une personne à l’aide d’un psychotrope très puissant puis à l’enterrer vivante avant de la déterrer. Après son exhumation, la personne se retrouve dans un état comparable à celui d’un zombi que l’on peut voir dans les films : un regard vide, l’absence de toute pensée, des morceaux de chair nécrosée… 


Philippe Charlier distingue trois types de zombis. Il y a tout d’abord les zombis les plus connus que l’on peut retrouver dans les films Occidentaux : ce sont les Zombis toxiques. Ces derniers sont des personnes qui ont été condamnées par des sociétés vaudous secrètes telles que les Bizangos ou les Chanterelles. Ces sociétés secrètes agissent là où la justice a pu avoir du retard. Ils convoquent alors la personne concernée, systématiquement une personne dangereuse tel qu’un meurtrier, un violeur… puis l’avertisse une première fois. Durant cette première session il est exposé au « criminel » les risques encourus s’il continue ses exactions. Il est menacé, dans le pire des cas, de zombification. La zombification est considérée comme un supplice bien plus horrible que la mort elle-même. Si cependant ils continuent à commettre des exactions, alors ils pourront être soumis au supplice de la zombification. 


Il existe un second cas de Zombi toxique. Dans ce cas, une personne se sent agressée par un individu et fait donc appel à un prêtre vaudou afin de zombifier cet individu. Le prêtre vaudou est alors rémunéré de différentes façons, en gardant le zombi par exemple, afin de le faire travailler comme un esclave sans volonté. On peut rencontrer ce genre de situation dans des contextes familiaux où, par exemple, la belle-mère demanderait la zombification d’un beau-fils ne lui convenant pas.


Il existe aussi le cas des Zombis psychiatriques. Ces derniers correspondent à des malades psychiatriques qui affirment avoir rencontré le Barron Samedi et Dame Brigitte lors d’un diner. Des questions se posent encore à leur sujet, à savoir s’il s’agit de personnes atteintes de troubles psychiatriques innés ou si ces troubles psychiatriques ont été causés par une zombification plus ancienne les ayant marquées à vie. 


Pour finir, le cas qui est certainement le plus perturbant pour notre conception Occidentale, est celui du Zombi social. Il est récurrent en Haïti de subir des catastrophes naturelles ou des drames familiaux durant lesquels des membres de la famille disparaissent. Certaines familles ont alors recours à la zombification pour combler le vide créé par la disparition d’un proche. Dans ce cas ils choisissent un inconnu qu’ils font zombifier ou qui est déjà zombifié et l’incluent dans la famille comme s’il en était le membre disparu. Pour essayer de combler le vide de la façon la plus réaliste possible, ils vont jusqu’à mutiler le zombi pour qu’il ressemble physiquement à l’absent, à lui créer des souvenirs qui ne sont pas les siens, à changer son nom… Ce qui est certainement le plus perturbant et peut-être aussi le plus glauque, pour nous, dans ces cas, est le fait que tout le monde se ment autour de ce sujet étant donné que tous les membres de la famille sont au courant de la supercherie traumatisante. 


Mais alors, je vous narre toutes ces histoires mais si je finissais par vous expliquer le processus de zombification ? Il est certainement temps de comprendre en quoi ce « processus » est une véritable torture, certainement pire que la mort, bien que je ne puisse en juger au moment où j’écris cet article. 


Le poison utilisé pour provoquer la simulation de mort est la Tétrodotoxine, appelé TTX par les chimistes. Ce poison se retrouve dans un poisson nommé le Fugu ou encore poisson Globe. Le sorcier vaudou extrait alors le poison de la bête avant de l’administrer à la victime désignée. Cependant ce poison ne pénètre pas la peau naturellement, il est donc souvent mélangé à de la bave de crapaud ou à du venin de vipère. Le but étant de créer une zone inflammatoire temporaire sur laquelle le futur zombi va se gratter, aidant alors le poison à pénétrer les chairs et à infecter le sang. Si le poison est mal dosé la mort est assurée, si cependant le dosage est bon, alors, après ingestion de la substance, le rythme cardiaque de la victime diminue, ses muscles se paralysent, sa respiration s’affaiblit mais la conscience reste intacte. La personne infectée est alors déclarée morte par le médecin légiste dupé par les effets de la drogue. La cérémonie d’enterrement a lieu le lendemain de la déclaration de mort. On laisse souvent les yeux de la victime ouverts pour que ce dernier subisse un supplice interminable étant donné qu’une petite lucarne en verre est souvent disposée au-dessus de son visage. Ainsi la victime assiste à sa cérémonie mortuaire. Cette pratique est surtout utilisée pour les Zombis toxiques, dont les gens sont au courant de la future zombification, afin que la victime subisse le supplice dans sa totalité, en guise de punition pour ses actes criminelles.   Puis il est enterré vivant, il entend les morceaux de terre tomber et ensevelir petit à petit son cercueil jusqu’à être submergé par la noirceur et le silence des profondeurs de la terre. Seul dans sa propre mort vivante, sans n’avoir jamais la certitude d’être exhumé par un prêtre, l’individu subit le supplice de voir sa mort et sa disparition aux yeux de tout le monde ainsi que de connaitre la solitude ultime imposée par une mort factice. Il est finalement exhumé et ne fait plus qu’errer dans les rues, où il peut encore servir d’esclave à certains prêtres vaudous en guise de paiement. Cet état léthargique est dû au poison qui reste dans le sang et prive la personne de toute initiative. Un remède est nécessaire pour parvenir à passer cet état.  Lorsqu’on parle d’esclave, tout genre de service sont compris, du travail forcé aux obligations sexuelles. 


Mais si nous revenons à notre folklore Européen alors on peut se demander comment cette culture est venue dans nos livres, nos films, nos musiques. Cela est notamment dû à la fascination que les occidentaux ont eu pour la culture vaudou dont ils se sont inspirés pour ce genre d’œuvres. Fascinations et transmissions de culture qui ont été facilitées par la colonisation et la présence de la culture vaudou dans le sud des Etats-Unis. 


L’analyse de la fonction sociale relevée par Philippe Charlier à la fin de son livre est aussi très intéressante. Le Zombi représente en Haïti l’équivalent de l’homme exclu de la société en Occident. Mais peut-être ce sujet sera-t-il exhumé dans un autre article d’Instant Phileas ? 


Nathan Ray

Extrait de la BD "Les Zombies"

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