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Adrien Caillo et Maria Camila Argote

La hausse des frais d'inscription pour les étudiants étrangers, une atteinte déplorable à l'équité

Dernière mise à jour : 25 févr. 2021

Le 1er juillet 2020, une décision attendue du Conseil d'Etat a scellé une atteinte de grande ampleur à la démocratisation du savoir et l'équité entre étudiants par la hausse de 1 600% des frais d'inscriptions pour les étudiants étrangers.

Le 1er juillet 2020, le Conseil d’Etat a mis sèchement fin aux derniers espoirs des étudiants étrangers, des syndicats étudiants et des défenseurs des idéaux républicains. C’est donc acté, “Bienvenue en France”, la stratégie gouvernementale visant “à rendre la France plus attractive aux yeux des étudiants étrangers”, ne sera pas remise en cause par la plus haute juridiction administrative.


Dans son discours du 19 novembre 2018 présentant sa nouvelle stratégie, l’ex-premier ministre Edouard Philippe déclarait “le français a permis à des générations d’étudiants de sortir des frontières de leur pays, pour accomplir leurs rêves et leur vocation”. Et pour le gouvernement, certaines personnes doivent maintenant payer d’un prix plus fort l’accomplissement de leurs rêves, au nom de leur nationalité.


Comme souvent dans la sphère publique, on a beaucoup parlé, fait beaucoup de belles déclarations mais surtout, commis beaucoup d’approximations. Il est temps de remettre de l’ordre dans toute cette agitation, autour d’un arrêté qui risque d’ouvrir la voie à de nouvelles pratiques et à une nouvelle vision de l’éducation française.


Le 19 avril 2019, c’est donc un arrêté relatif aux droits d'inscription qui vient concrétiser les vœux d’Edouard Philippe. Ces frais sont désormais répartis en deux tableaux de prix. Le premier reste inchangé et concerne non-seulement les Français mais aussi les étudiants provenant de pays membres de l’Union Européenne ainsi que de la Suisse. Le deuxième en revanche comprend des prix augmentés de plus de 1 600% et concerne les étudiants internationaux provenant des autres pays du monde. Face à cette différenciation des prix, visant un noble objectif de modernisation des universités mais d'une manière plus que contestable, on assiste à une union sans précédent de syndicats venus de tous horizons. Parmi tant d’autres, l’Union Nationale des Etudiants en France ou encore l’Union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques, sociales ou autres demandent l’annulation de cet arrêté. Un arrêté qui a provoqué beaucoup de controverses, des débats et qui a fait couler pas mal d'encre.


Une modicité des frais d’inscription à comparer aux finances de l’étudiant pour le Conseil Constitutionnel


Face aux réactions suscitées par cet acte gouvernemental, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité relative aux droits et aux libertés garantis au treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ce dernier proclame comme Principe Particulièrement Nécessaire à notre Temps “l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture”.


D'une part, le principe de gratuité de l'enseignement public, qui découlerait de cet alinéa selon les associations demanderesses, ferait obstacle à la perception de droits d'inscription pour l'accès à l'enseignement supérieur. La loi de 1951 serait ainsi erronée et donc anticonstitutionnelle. D'autre part, cette même loi se borne à habiliter le pouvoir réglementaire à fixer les taux et modalités des droits d'inscription sans considération des ressources des étudiants. Le législateur n'aurait donc pas entouré cette habilitation de garanties suffisantes et violerait donc le principe d'égal accès à l'instruction. En effet, l’égal accès à l’éducation supérieure lorsque celle-ci est payante passe par une prise en compte des revenus de chacun. De cette manière, on s’assure que tout le monde aura accès à l’éducation et chacun contribuera conformément à la hauteur de ses propres moyens. Il s’agit là du principe même de la justice distributive, “suum cuique tribuere” c’est-à-dire à “chacun son dû” selon Ulpien, qui est une justice prenant en compte les inégalités entre les personnes. En d’autres termes, le législateur aurait dû insister sur la garantie de “prise en considération des ressources de l’étudiant” afin de ne pas laisser le pouvoir réglementaire fixer des prix déraisonnables.


Face à ceci, quelle a été donc la réponse donnée par l’institution qui se veut gardienne de nos libertés et de nos droits fondamentaux ? Sans vraiment de surprise, le Conseil Constitutionnel érigea en octobre 2019, le principe constitutionnel de gratuité de l’éducation tout en précisant que ce principe “ne fait pas obstacle, pour ce degré d'enseignement, à ce que des droits d'inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants”. Cette décision a souvent été interprétée et relayée, à tort, comme une victoire des étudiants par plusieurs médias. En effet, quoi de plus beau et de plus louable que d’ériger le principe de gratuité de l’enseignement supérieur ? La réalité est plus nuancée, voire, presque contradictoire : il s’agit d’une gratuité payante. “Les Sages” ont décidé que cette gratuité pouvait être payante au niveau de l’enseignement supérieur si la somme à payer était “modique”. Et, s’il était nécessaire, il fallait prendre en compte les capacités financières personnelles des étudiants afin de garantir un égal accès et respecter la volonté des constituants.



Une interprétation plus contestable de la modicité par le Conseil d’Etat


Ceci dit, un élément important manquait : la définition de “modique” que devait donner le Conseil d’Etat. Si les conseillers avaient retenu une notion de modicité cohérente avec leur jurisprudence, ceci signifierait, comme le corrobore d'ailleurs le juriste Yann Bisiou, qu’il s'agirait “d’une somme d’un montant très faible, qui n’a pas d’incidence sur la situation économique du débiteur ; elle est anecdotique. Pour les personnes physiques, elle est de l’ordre de quelques dizaines d’euros, rarement plus d’une centaine, jamais plusieurs milliers”. Mais le Conseil d’Etat n’est pas obligé de suivre ses précédents, n’étant pas lié à ces derniers, et il décide donc en juillet d’une autre interprétation de ce terme de “modique”. La nouvelle interprétation de modicité, revue à la hausse, devient l’appréciation souveraine et incontestable. C’est pourquoi certaines grandes écoles (telles que Sciences Po, Polytechnique, les écoles de commerce et certaines écoles d’ingénieurs) attendaient par ce biais la validation de leur système aux frais de scolarité bien supérieurs à la moyenne nationale. C’est en revanche le début d’un cauchemar pour les étudiants étrangers en université, qui étaient attentifs à cette décision à la portée plus politique et budgétaire que juridique et académique.


"Le 1er juillet 2020, la plus haute juridiction administrative a considéré les frais d’inscription modiques au regard du coût des formations."


C’est ainsi que le 1er juillet 2020, après quelques mois de réflexion, la plus haute juridiction administrative a considéré les frais d’inscription modiques au regard du coût des formations et a donc rejeté le recours formé par les associations étudiantes. L’institution, évoque également comme motif justifiant le sens de sa décision le fait que “les étudiants en mobilité internationale peuvent être éligibles à certaines aides” ou bénéficier d’une “exonération totale ou partielle des droits d’inscription mis à leur charge”. La réforme des frais différenciés est définitivement entérinée.


La situation apparaît donc comme légale et légitime mais elle pose de nombreux problèmes. Entre autres, la contradiction de cette décision avec celle rendue par le Conseil constitutionnel. En effet, selon Mélanie Luce, présidente de l’UNEF, “le Conseil d’Etat nous dit l’inverse du Conseil constitutionnel : le coût n’est pas évalué selon la situation de l’étudiant mais selon le coût de la formation et l’existence de bourses. On dit là aux étudiants que 3 770 euros c’est modique. C’est ce que nous payons en province sur un an pour nous loger ! C’est scandaleux”. Le coût de la formation est quant à lui un critère abstrait et extérieur à la situation économique des étudiants qui peut justifier la dérive de l’augmentation des prix et avec, l’inégalité d’accès à l’enseignement supérieur. Pour justifier cette nouvelle définition de “modicité”, contraire à la jurisprudence qui s’était déjà établie sur ce sujet, le CE devait donc prendre un autre cadre référentiel, le prix de la formation, en l’utilisant par ailleurs de manière grossière.


Sur ce dernier point, un rapport de la Cour de comptes déclare que l’Etat dépense environ 10 000 euros par formation. 3 770 euros au regard de 10 000 euros est largement modique, cela est certain. Mais à nouveau, il faut nuancer. Cette somme de 10 000 euros donnée de manière si générique est imprécise : ce montant varie selon la formation et le niveau d’études. Un comparatif des formations permet de se rendre compte qu’en licence dans une université, le coût est proche voire inférieur à ce montant. Par exemple, en sciences humaines et sociales, le coût est de 2 736 euros. Ainsi, les sommes n’ont rien de “modiques” même au sein du cadre référentiel du coût de la formation puisque certains étudiants dans certaines filières payeront des frais d’inscription représentant la totalité voire plus du coût réel de la formation.


Donc, afin de garantir une stricte égalité à l’accès de l'enseignement supérieur, puisque s’instruire et s’éduquer est le droit de tous et non pas le luxe de certains, chacun devrait payer à la hauteur de ses propres ressources. Il faut revenir à cette justice distributive. Pour certains, 3 770 euros constitue une somme peu importante. Mais pour d’autres, cela représente le salaire de deux mois et demi de l’un des parents. Si le SMIC est, en juillet 2020, de 1521 euros pour la France, le salaire minimum est le plus souvent bien inférieur dans les pays étrangers et la monnaie des revenus des parents des étudiants étrangers est très souvent dévaluée lors de la conversion en euro. Ainsi, un étudiant étranger venant d’un foyer considéré comme aisé dans son pays d’origine ne l’est plus nécessairement une fois arrivé en France. Le choix du référentiel du coût de formation plutôt que de la situation financière financière de l’étudiant est le choix de l’égalité au détriment de l’équité. Qu’on soit d’accord ou non avec ce choix, on piétine encore un peu plus un idéal d’égal accès à l’enseignement universitaire qui était déjà loin d’être atteint.


La deuxième critique que suscite la décision du Conseil d’Etat réside dans le fait qu’elle a été motivée par des exceptions : celles des bourses et des aides. Pour reprendre à nouveau les mots de l’académicienne Barbara Cassin, “jamais octroyer des bourses aux pauvres ne compensera la norme de l’égalité devant l’enseignement. Jamais la pratique aléatoire d’une exception ne vaudra la règle saine.” Tous les étudiants qui en ont besoin ne pourront pas avoir de bourse, et multiplier par seize les frais d’inscription ne se résout pas en multipliant par trois le nombre de bourses comme l’a annoncé Edouard Philippe dans son discours. Enfin, et pour citer Raphael Doan et François Lefevre, des professeurs d’histoire ancienne qui prennent un exemple historique à ce sujet, dans une tribune publiée dans Le Monde, “on sait que la cité de Lampsaque, près des Dardanelles, avait fait aux alentours de 300 avant notre ère le choix inverse de celui du gouvernement français en 2019. Une stèle inscrite a en effet conservé les restes d’un décret et on y lit : « Que soient exemptés de taxes les étudiants et enseignants [étrangers] qui résident ou viendront résider dans la cité pour instruire ou être instruits. ». Ce choix garantissait leur rayon culturel et économique. Concurrence permanente, course à l’attractivité, recherche d’alliances ou de protections internationales, craintes face à l’ouverture : on voit, grâce au seul exemple des étudiants étrangers, que les phénomènes que nous associons à la mondialisation contemporaine ne sont pas inédits. Si l’échelle s’est élargie du bassin méditerranéen au monde entier, certains débats, eux, ne sont jamais épuisés”.



L'étude de BVA souligne les efforts des étudiants étrangers pour venir mais aussi les richesses qu'ils apportent avec eux


Dans ce sens, il faut savoir que, la présomption d’Edouard Philippe qui déclarait dans son fameux discours de 2018 “instaurer un principe d’équité solidaire, en faisant payer les étudiants étrangers qui en ont largement les moyens” est erronée. Une étude commandée par Campus France à BVA en 2014 permet de rétablir la vérité sur ce point. On y apprend que, pour 82 % des étudiants, “c’est une dépense jugée lourde”. Plus encore, pour “4 étudiants sur 10, la famille a dû consentir des sacrifices financiers importants”. On est donc loin de l’image d’étudiants insouciants pour qui l’argent n’est pas un problème. L’étude révèle également que “87 % des étudiants étrangers en France sont originaires de pays aux revenus par habitants moyens ou faibles”. Ces quelques chiffres permettent de comprendre que c’est donc souvent un sacrifice consenti par les parents et les étudiants pour que ces derniers aient une formation en France qui soit réputée à l’international.


"Les étudiants étrangers rapportent, par les taxes qu’ils payent, bien plus qu’ils ne coûtent avec un solde positif de 1,65 milliard d’euros chaque année."


L’examen des données relatives aux étudiants étrangers est sans appel : les études en France sont un réel investissement financier. Mais quid de l’Etat français ? Pour ce dernier, BVA souligne que l’accueil d’étudiants étrangers est une aubaine, même sur le court terme. En effet, ils rapportent, par les taxes qu’ils payent, bien plus qu’ils ne coûtent avec un solde positif de 1,65 milliard d’euros chaque année et un réinvestissement direct des aides d’Etat au sein de l’économie française. Au-delà de cet aspect, les étudiants étrangers constituent de véritables ambassadeurs de la France à l’étranger. Ils sont aussi de futurs partenaires pour la France puisqu’une large majorité se déclare prête à travailler avec des Français ou des entreprises françaises. Enfin, le rapport mentionne en conclusion que ces étudiants étrangers sont “une fenêtre ouverte sur le monde pour les Français qui les côtoient”, soit une vraie source de richesse intellectuelle. Pour reprendre à ce sujet les mots de Barbara Cassin, “soyons donc économiquement intelligents et politiquement cohérents. Et soyons généreux : la générosité est un produit de luxe, or, le luxe tire notre économie en avant. La qualité de vie, la langue, la culture, le partage du beau et du jugement, pas de meilleur argument pour « Choose France » comme on dit chez nous…”.


De ce point de vue, la hausse des frais d’inscriptions est très surprenante, d’autant qu’il s’agit d’un des principaux atouts de la France. Le pays où l’on naît est le fruit du hasard, mais le pays où l’on part étudier par amour de sa langue, de son histoire et de sa culture est un choix. On voit donc comment le gouvernement a choisi d’encourager ce goût pour la France. Voici comment Emmanuel Macron se contredit, lui qui déclarait le 25 avril 2019 “les vrais inégalités sont les inégalités d’origine [...], les inégalités à la naissance”. Une fois de plus, la froide économie et le gain l’emportent et dévoilent l’inanité des belles paroles.



Une décision peu populaire dans un milieu universitaire contestant ses fondements


L’arrêté a été appliqué pour l’année 2019-2020 dans moins de dix d’universités françaises, les autres s’étant formellement opposées à ces frais d’inscription différenciés. Pourtant, toutes partagent le même constat : un manque de moyens cruel qui ne permet pas de fournir un enseignement optimal aux étudiants. A cet égard, une réforme qui pourrait rapporter plusieurs millions d’euros par an semble être une bonne initiative pour atteindre cet “enrichissement” souhaité par Edouard Philippe. Seulement, il est difficile d’accepter qu’un étudiant argentin assistant à un cours d’histoire assis à côté d’un étudiant lituanien le paye seize fois plus cher. Il s’agit donc essentiellement d’une décision opportune car aucun élément de droit ne la justifie vraiment. On peut même se demander s’il ne s’agit pas d’une commande de Bercy plutôt qu’une stratégie de la Rue Descartes, tellement l’appât du gain semble dépasser l’envie d’attirer d’avantage d’étudiants. Car nous en conviendrons tous, il apparaît comme illusoire de penser qu’en augmentant les frais d’inscription de 170€ à 2 770€ en licence, le nombre d’étudiants attirés par la France va s’accroître. On part en réalité ici d’un argument bien discutable. Il s’agit de penser que le coût de la formation reflète la qualité de celle-ci et donc qu’en augmentant les prix dans les universités françaises, les étudiants étrangers seraient plus attirés par celles-ci. Le débat est ouvert, mais il faut rappeler que le coût de formation n’est pas pris en compte dans les classements universitaires comme celui de Shanghai. Ainsi, l’université française Paris-Saclay classée onzième, coûte 170€ chaque année. Or à la dixième place, on retrouve l’Université de Californie dont le coût annuel est de 43 900$ soit plus de 36 000€. On voit donc bien que l’attirance étudiante pour des formations coûteuses est peu fondée même si elle sert de raison au gouvernement pour augmenter les prix en France.


La sélection par l’argent est désormais très visible. Les étudiants étrangers les plus pauvres seront chassés des universités appliquant la hausse des frais et le gouvernement espère en contrepartie un accroissement de la part d’étudiants aisés. L’éducation qui apparaissait comme une chance en France fait désormais figure de commerce. La France semble ainsi prendre la voie des universités anglo-saxonnes et attirer un public plus élitiste à défaut de méritant.



Une opinion publique confondue par la décision gouvernementale


Malgré tout, beaucoup ont semblé se réjouir de cette décision sur les réseaux. Sur fond de fausses informations, de chiffres erronés ou encore d’expériences personnelles trop vite généralisées, un débat n’a guère pu être construit.

Il est très intéressant de noter que cette mesure est contre intuitive et trompeuse. En effet, beaucoup des réactions sur les réseaux ont une chose en commun : l’impression que la hausse des frais allait signifier la baisse du nombre d'étudiants étrangers.

Beaucoup d’entre eux seraient bien étonnés de constater que l’objectif affiché par le gouvernement est une hausse du nombre de ces étudiants extracommunautaires et une volonté “d’équité financière”. Il est regrettable de constater que le degré de confusion a été tel que cette décision est même parvenue à convaincre des opposants à la présence d’étudiants étrangers, une méprise qui est tout à l'avantage du gouvernement.




Finalement, dans une optique plus élargie, deux jours après le discours présentant la stratégie “Bienvenue en France”, un document de la Cour des comptes fuitait, préconisant la hausse des droits d’inscription à l’université pour tous, avec une hausse de +297% des prix d’une année de master. Le gouvernement avait alors déclaré que cela n’était absolument pas à l’ordre du jour.


"Si 2 770€ constituent aujourd’hui une somme modique pour les étudiants étrangers au regard de la formation, elle pourrait demain être modique pour nous tous qui suivons ces mêmes formations."


Dans un tel contexte, un rapport paru en 2013 revêt des allures de prophétie. Rédigé par Philippe Adnot, le sénateur non-inscrit a sans doute raison :

Concentrons “autant que possible” la hausse des prix sur les étudiants étrangers, qui comptent parmi les plus motivés, les plus curieux et les plus talentueux de leur pays d’origine. Ces derniers n’ont de toute façon pas les moyens de répliquer, et ceux qui ne pourront pas payer ces nouvelles sommes repartiront. Tant pis, puisqu’il nous faut “attirer plus d’étudiants”, il faut consentir à voir partir les plus pauvres d’entre-eux et opérer une sélection par l’argent plutôt que par le mérite. Mais lorsque cette augmentation ne sera plus de l’ordre du “possible”, elle touchera alors les étudiants européens et les étudiants français avec, puisque le droit communautaire interdit de les différencier.


Le 1er juillet 2020 a donc marqué un grave tournant pour tous les étudiants. Si 2 770€ constituent aujourd’hui une somme modique pour les étudiants étrangers au regard de la formation, elle pourrait demain être modique pour nous tous qui suivons ces mêmes formations. En effet, cette décision bouleverse les droits d'inscription décidés pour les étudiants étrangers mais aussi les règles générales de fixation de ces droits pour tous les étudiants selon vie-publique.fr, un site géré par l’administration française. Comme l’a rappelé Philippe Adnot, nous sommes dans un “contexte de stagnation des financements publics”. Et si ce n’est pas l’Etat qui va donner l’argent vital aux universités françaises, il va falloir aller le chercher là où il y en a encore, auprès des familles des 1 614 000 personnes qui étudient en France.


Alors, alarmons-nous même s’il n’en est plus temps pour les étudiants étrangers extra-européens. Alarmons-nous car l’attractivité de la France va pâtir de cette décision, en se privant d’étudiants brillants, vecteurs du rayonnement français, de sa langue et de sa culture. Alarmons-nous car les étudiants français et européens seront les prochains. Nous le voyons plus que jamais en cette période de crise, l’Etat ne consent pas à faire les efforts nécessaires pour l’éducation de la génération à venir. Ce sera donc à elle de s’auto-financer et tous n’en ont pas les moyens.



Maria Camila ARGOTE CADENA et Adrien CAILLO





Sources :



Décision du Conseil Constitutionnel : Décision n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019



Vie publique : https://www.vie-publique.fr/en-bref/271197-conseil-constitutionnel-gratuite-de-lenseignement-superieur



Rapport de Philippe Adnot : https://www.senat.fr/rap/r12-547/r12-5470.html



Statistiques Campus France : Chiffres clés 2019






Le Bot, Olivier, « Le principe de gratuité de l'enseignement supérieur », Constitutions, octobre-décembre 2019, n° 2019-4, p. 525 - 528


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